6 janvier 2015 : cérémonie des vœux

Discours du président de l'Université de Strasbourg prononcé lors de la cérémonie des vœux 2015.

Seul le prononcé fait foi.

 

Madame Lilla Merabet, Vice-présidente de la Région Alsace

Monsieur le Président de l’Eurométropole de Strasbourg,

Mme Ada Reichardt, conseillère municipale en charge de la vie étudiante

Monsieur le Recteur de l’Académie de Strasbourg, Chancelier des universités d’Alsace

Mesdames, Messieurs les représentants des établissements associés,

Mme Christine Gangloff, Présidente de l’Université de Haute Alsace

M. Albert Poirot, administrateur de la BNU

M. Jean-François Quéré, directeur de l’ENGEES

M. Christian Chazal, Directeur du CROUS de Strasbourg,

M. Durst représentant l’INSERM,

Monsieur le Président de la Fondation entente franco-allemande,

M. Janosch Nieden, représentant le Recteur de l’Université de Freiburg,

Mesdames, Messieurs,

Chers collègues,

Chers étudiants,

 

 

Nous voici à nouveau réunis, après une période de fêtes, de loisirs et de détente qui, je l’espère, aura apporté à chacune et chacun d’entre vous de précieux moments de bonheur et de joie.

Le sens de cette cérémonie, c’est d’abord et avant tout celui la rencontre. Car vous le savez, ce qui fait la force d’une université, ce sont les femmes et les hommes qui la composent. C’est pour cela que je vous adresse personnellement, à toutes et tous, mes vœux les plus chaleureux pour une très belle année 2015. Ce sont des vœux de santé, de prospérité, de paix et de bonheur dans votre vie personnelle.

Oui, je forme le vœu fort et sincère que 2015 vous épargne difficultés personnelles ou de santé. J’ai en particulier aujourd’hui une pensée très fidèle et très chaleureuse pour les collègues qui sont momentanément absents pour combattre la maladie.

Que cette année vous ouvre un horizon éclairé aussi dans votre vie professionnelle. Certains diront que cet horizon est bouché, masqué par de gros nuages noirs… Mais faut-il vraiment s’ingénier à présenter cet horizon morose, qui nourrit le découragement et résignation ? Pour ma part, je m’y refuse.

Attention, loin de moi l’idée de nier les difficultés de l’époque, il faut au contraire les aborder avec courage. Oui, nous sommes dans un temps de turbulences. C’est vrai pour le monde, pour notre pays, mais c’est aussi vrai pour chaque projet que nous portons. Les connaissances se démultiplient. Les cultures se croisent. Les certitudes sont remises en question. A l’université aussi, je dirais même : et surtout à l’université. Et c’est cela notre spécificité : l’université vit du changement, elle créée même le changement. Il nous faut donc, lucidement, sereinement, aller toujours de l’avant. Croiser, échanger, dépasser nos frontières personnelles et collectives. Inventer toujours demain. Ne pas se questionner, refuser d’évoluer, ce serait à coup sûr régresser à long terme. La pensée n’a pas de limite, alors ne lui construisons pas de barrières.

C’est bien pour cela qu’il faut savoir aussi revenir à nos objectifs fondamentaux, que sont la formation et la recherche. Toutes nos actions, tous nos métiers ne valent que par cette double mission. C’est bien pour cela que je forme le vœu que votre action, tant au plan personnel, qu’au plan professionnel, soit sous-tendue par la confiance, la confiance en l’autre, la confiance en l’avenir, un avenir que nous réaliserons en commun.

Mais, plus globalement, quels sont nos espoirs, nos doutes, nos ambitions surtout pour cette année 2015 ?

Notre principale préoccupation concerne le contexte économique tendu, qui nous impose à la fois vigilance et responsabilité. En 2014, nous avons souvent alerté le gouvernement et la représentation nationale sur les conséquences d’un manque de crédits pour l’université, c’est à dire pour la formation des jeunes et la recherche scientifique. Quand le ministère des finances a voulu imposer un « coup de rabot » aussi intempestif qu’injustifié, la voix de notre université a été l’une des plus claires, l’une des plus déterminée, l’une des plus entendues, et la plus unanime qui soit.

J’ai toujours affirmé, et je le répèterai sans cesse, les missions d’enseignement et de recherche des universités ne sont pas une dépense mais un investissement.

Oui, les universités sont un investissement à titre individuel, pour les étudiants que nous formons. Nos étudiants qui sont ainsi munis de connaissances et de capacités d’analyse indispensables pour s’adapter aux évolutions du monde professionnel et de la société de demain. Car à l’université, nous ne formons pas que des experts : nous tentons surtout de former des citoyens, des étudiants imprégnés de cette citoyenneté, car ce sont eux qui inventeront le monde d’après-demain.

Les universités sont aussi un investissement à titre sociétal : les avancées scientifiques issues de nos recherches profiteront à tous nos concitoyens, pourvu qu’on leur laisse le temps de prospérer, qu’on laisse s’écouler ce « temps long » si cher à Marc Bloch.

 

Alors oui, bien sûr, nous sommes conscients des efforts que la Nation doit opérer dans cette période difficile, nous savons aujourd’hui et nous saurons demain en être solidaires. Et c’est pour cela que nous devons montrer à nos concitoyens que nous agissons de manière responsable, pour être dignes de leur confiance. C’est cet état d’esprit de transparence et de responsabilité que traduit le projet de budget que j’ai soumis au conseil d’administration les 16 et 18 décembre derniers, et que je lui soumettrai à nouveau la semaine prochaine. Je n’accepte pas, vous ne devez pas accepter que le débat sur le budget puisse être instrumentalisé par des objectifs nationaux ou partisans. Car ce budget n’est ni un budget de renoncement, ni de complaisance, mais bien un acte fort de responsabilité. Loin d’être un blanc-seing pour le gouvernement, il montre notre engagement et notre détermination, il nous encouragera aussi à continuer à exiger une contribution adéquate de la Nation à son enseignement supérieur et à sa recherche, car ce sont les atouts fondamentaux de son avenir.

L’université de Strasbourg peut et doit aussi agir sur ce plan budgétaire auniveau européen. En complément de nos actions sur le budget français, j’ai toujours, en parallèle, alerté nos médias et nos élus sur la dangereuse érosion des financements européens de la recherche et de l’enseignement supérieur. C’est ce que je fais aussi au quotidien en tant que président de la LERU, avec mes collègues des plus grandes universités européennes,

Car c’est notre responsabilité d’universitaires de parler de l’Europe, de défendre un idéal et une authentique ambition de construction européenne, et c’est à la fois l’histoire et la mission de notre université de Strasbourg d’être exemplaire et novatrice en ce domaine.

En créant le Campus européen avec les universités partenaires d’EUCOR, le réseau des 5 universités du Rhin supérieur, et en particulier avec l’Université de Freiburg, nous avons la volonté de nous différencier en portant des projets d’envergure et innovants. Ce sera bien sûr l’occasion de capter des crédits nouveaux pour redynamiser la croissance et développer nos atouts communs. Mais surtout c’est d’affirmer la place centrale des universités dans cette ambition. Cette année, notre carte de vœux est porteuse de ce message, elle est riche de ce symbole européen. Cette carte illustre notre conviction, celle d’affirmer que la pensée n’a pas de limites, que le savoir ne connaît pas de frontières, et surtout pas de frontières nationales.

Ce projet politique marque notre volonté d’affirmer que, plus que jamais dans ces moments de crise, c’est à l’université qu’on construit l’Europe. Nous avons marqué avec force cette conviction en fêtant les 130 ans du Palais U et y réinstallant la statue de Germania. Nous allons continuer –et clore- dans un instant ces célébrations en décernant les prix du concours photo des 130 ans du palais. Ces photos illustrent la force symbolique de notre palais, mais aussi la place essentielle de notre université dans la Cité. Au moment où certains défendent dangereusement le repli sur soi et des identités galvaudées, l’université doit montrer la voie, elle doit inciter à dépasser les frontières.

Justement, parlons de cette autre frontière, celle de la nouvelle Région dont nous allons désormais faire partie. Les discours faussement identitaire sont indignes de l’Alsace. Assez ! L’Alsace ne mérite pas un discours passéiste, dont les historiens, et singulièrement les historiens de notre université, connaissent les travers. Si l’Alsace a vraiment une ambition, elle doit en cette année 2015 changer de braquet, changer de dimension. L’Alsace doit se définir par ses ambitions, pas par ses méfiances. Dans cet environnement nouveau, je voudrais réaffirmer le rôle majeur que doivent jouer les universités, et singulièrement notre université, l’université de Strasbourg, en tant que vecteur de l’attractivité de ce nouvel ensemble régional. Oui, les universités de la nouvelle région seront les acteurs majeurs de son développement économique, de son attractivité, et même de sa cohésion et de son identité. Oui les universités seront à la fois le symbole et l’outil de la créativité, de l’intelligence, de la capacité de former et de créer, de l’innovation. Elles sont donc un atout essentiel et structurant du nouveau territoire et à ce titre, elles feront de cette région une grande région, non pas seulement par la taille mais par le rayonnement. Nous sommes prêts, nous sommes disponibles, nous sommes déterminés : nous en appelons aujourd’hui aux élus pour qu’ils nous aident à relever ce défi d’avenir.

Au nombre de nos espérances communes, il y a également le sort de Pinar Selek, pour qui nous avions, quelques jours avant les fêtes, une grande lueur d’espoir, puisque le 19 décembre la Cour d’Istanbul prononçait son acquittement. Malheureusement l’acharnement judiciaire qui persécute notre collègue depuis plus de 15 ans ne s’achève pas sur cette décision, puisque le procureur a fait immédiatement appel. Nous resterons solidaires et en soutien de Pinar le temps qu’il faudra, et jusqu’à ce que la justice triomphe. En 2013 nous lui avions symboliquement accordé l’asile académique. Nous le réaffirmons aujourd’hui. Je voudrais remercier toutes celles et ceux qui se sont groupés autour d’elle, merci en particulier aux membres de la communauté universitaire qui nous ont représentés fidèlement à toutes les étapes de ce processus judiciaire kafkaïen.

 

Oui, nous sommes une grande université, par la taille et par les résultats. Certains voudraient y voir un défaut, mettant en avant l’adage « small is beautiful ». Quelle erreur ! Cette taille, c’est aussi la conséquence logique, le fruit de notre exceptionnelle diversité, de notre créativité, de notre richesse humaine, de notre rayonnement. Etre une grande université, c’est une question d’ambition, pas de taille. Cultivons, encore plus cette année, cette ambition. Nous sommes aussi une université où l’identité, le rapport humain, la proximité ont été, sont et continueront d’être des facteurs majeurs de nos succès. Plus que jamais, je souhaite encourager l’esprit d’équipe, alors jouons collectif, appuyons-nous sur les meilleures qualités de chacun !

Innovons donc pour renouveler et amplifier les liens qui nous construisent. Dans cet esprit, je souhaite en 2015 renforcer, au sein de notre établissement la relation déterminante et nourrissante entre formation et recherche, et en faire un élément clé de notre identité. C’est pourquoi j’ai décidé de réunir deux fois par an, les directeurs de composantes et les directeurs d’unités de recherche pour évoquer –ensemble- des sujets d’intérêt commun au sein d’un « Sénat académique ». Le récent « appel de Strasbourg » élaboré dans ce cercle a montré combien les directeurs de composantes et d’unités ont, j’ose l’expression, pris plaisir à être ensemble pour mettre leurs intelligences en commun, et définir ensemble les stratégies nécessaires au service de nos missions fondamentales.

Cette année 2015 sera à nouveau l’occasion de mieux connaitre notre université et de partager des évènements ensemble, qu’il s’agisse des Journées des universités et des formations post-bac ou de la journée portes ouvertes, et bien sûr de beaux moments conviviaux qui nous permettront de fêter des réussites ou de rendre hommage au travail et à l’engagement (cérémonie des distinctions honorifiques et cérémonie des prix de thèses et jeunes docteurs) et tant d’autres moments où j’espère vous retrouver.

Traditionnellement nos vœux valent pour une année calendaire, l’année 2015. Nous savons pourtant que notre ambition s’étend plus loin, bien plus loin que cette année universitaire, plus loin que nos mandats, chers collègues élus, plus loin que l’horizon de notre présence à l’université. Sachons donc aussi mettre nos réflexions, nos actions et nos ambitions à l’échelle de ce temps long, ce temps long si cher à Marc Bloch. Car ne l’oublions pas, nous travaillons à l’avenir de nos étudiants, nous travaillons à l’avenir de notre société. C’est un objectif exigeant, c’est surtout et avant tout une mission passionnante.

 

Chers collègues, chers amis. Voilà assurément une multitude de vœux. J’espère qu’ils se réaliseront, mais je ne veux pas seulement l’espérer. Ces vœux, je l’ai dit, sont des engagements pour notre communauté et d’abord des engagements de ma part. Ces vœux signent une volonté, et portent un projet. Pour réussir, tous ensemble, il convient que chacune et chacun fasse siens des valeurs de respect et soutien de l’autre, de confiance, de sincérité et de responsabilité. Soyons exigeants et bienveillants, soyons excellents et ouverts, soyons solidaires et ambitieux, repoussons nos défauts et démultiplions nos qualités, Que cette nouvelle année nous permette de contribuer, tous ensemble, à faire avancer notre idéal commun.

 

Bonne année, à toutes et à tous !

 

Alain Beretz

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