17 septembre 2014 : célébration des 130 ans du Palais universitaire

Ce discours a été prononcé par Alain Beretz lors des festivités de célébration des 130 ans du Palais universitaire, le 17 septembre 2014.

 

Madame la Secrétaire adjointe du Conseil de l’Europe,

Monsieur le Préfet de la région Alsace, Préfet du Bas-Rhin

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Monsieur le Sénateur-Maire de la ville de Strasbourg,

Madame la Vice-présidente du Conseil régional d’Alsace,

Monsieur le Vice-président de la Communauté urbaine de Strasbourg,

Madame la Vice-présidente de la Communauté urbaine de Strasbourg,

Mesdames et Messieurs les élus,

Monsieur le Recteur de l’Académie de Strasbourg, chancelier des universités d’Alsace,

Monsieur le représentant permanent adjoint de la France auprès du Conseil de l’Europe,

Monsieur le Président de la Fondation pour l’Entente franco-allemande,

Monsieur le Recteur de l’Université de Freiburg,

Monsieur le Vice–président du Karlsruher Institut für Technologie,

Monsieur l’Administrateur de la Bibliothèque Nationale Universitaire de Strasbourg,

Mesdames et Messieurs les représentants des établissements associés,

Madame et Messieurs les anciens présidents des universités de Strasbourg,

Monsieur le Vice-président Recherche et Développement de SANOFI,

Mesdames et Messieurs, Chers collègues, Chers étudiants,

 

Bienvenue dans ce palais. L’université de Strasbourg voit le jour en 1621, mais c’est bien ce « palais U » qui symbolise depuis 1884, depuis donc 130 ans, la place de l’université dans la cité. C’est donc ce 130ème anniversaire que nous célébrons aujourd’hui. Signe ancien mais vivant de la place fondamentale de la connaissance, de la transmission, du pari sur la formation et la recherche, signe du dépassement des frontières, le palais U est bien plus qu’un bâtiment, certes magnifique, ce palais est un symbole. C’est de la force de ce symbole que je voudrais vous parler.

 

Vous le verrez par l’exposition, et tout à l’heure dans le film projeté sur la façade : nous avons choisi 10 étapes, 10 dates sur 130 ans, 10 dates clés pour symboliser la place de l’université dans la société et son ancrage dans la vie d’un territoire, 10 dates qui nous permettent à la fois d’illustrer l’histoire singulière de notre université, mais aussi, mais surtout, dirais-je, de nous donner des briques pour continuer à construire notre histoire commune.

 

Mais que nous apprend justement l’histoire de ce Palais ?


Ce palais symbolise d’abord la place de l’université dans la société, il symbolise un pari sur l’avenir

Quand l’empereur Guillaume a fait construire ce Palais, c’était bien sûr un geste politique. Montrer la puissance de l’Allemagne victorieuse, c’était aussi affirmer qu’elle se devait de produire la meilleure science au monde, et qu’elle confiait aux chercheurs la tâche de former sa jeunesse. Aujourd’hui on appellerait cela un investissement d’avenir. Cet investissement est symbolisé bien sûr par la taille de ce palais, par sa majesté, mais aussi par la qualité et l’ambition des bâtiments qui forment le campus ouvert vers l’est, un campus basé sur les principes de von Humboldt, c’est-à-dire où recherche et enseignement sont indissociables.

 

Mais ce n’est assurément pas sur une base caricaturalement germanique que cette ambition est basée. Ainsi Marc Bloch, gloire de notre université, dont cet Aula porte fièrement le nom, avait écrit peu avant sa disparition, « La tradition française, incorporée dans un long destin pédagogique, nous est chère. Nous entendons en conserver les biens les plus précieux : son goût de l'humain ; son respect de la spontanéité spirituelle et de la liberté ; la continuité des formes d'art et de pensée qui sont le climat même de notre esprit. Mais nous savons que, pour lui être vraiment fidèles, elle nous commande elle-même de la prolonger vers l'avenir ». C’est bien cette ambition universelle, énoncée par Marc Bloch, dont le Palais était porteur à sa construction ; c’est aujourd’hui à nous de la porter.

 

Mais ce palais a un autre rôle. S’il se dresse si fièrement au cœur de la cité, et fait face au Palais impérial symbole du pouvoir temporel, c’est parce qu’il illustre la place essentielle de l’université dans la société. Nous vivons des temps incertains, où les replis égoïstes tentent de se frayer un chemin, où les identités sont instrumentalisées. Mais notre université de Strasbourg, au cœur de l’humanisme rhénan, comme son palais, au cœur de la Cité, symbolise cet espace commun où tout reste possible, où nous tentons d’éclairer, par notre travail, l’ensemble de la société parfois aveuglée. Un lieu où nous pouvons, ensemble, repousser nos limites et inventer demain.

 

Le Palais symbolise ensuite l’université gardienne de valeurs humaines universelles

Il y a 70 ans, 120 de nos camarades ont été déportés par l’Allemagne nazie parce qu’ils avaient l’ambition de vivre jusqu’au bout les valeurs de l’université. Ils nous ont montré la voie. Ils étaient attachés à la liberté et à la recherche de la vérité. Le symbole de cette université résistante, de cette université patriote, c’est la plaque du monument aux morts, ici même, dans le péristyle de ce palais.

 

Mais l’université résistante n’est pas refermée sur elle-même. L’université résistante a le courage de sa différence, a le courage de ses convictions. Car elle a une méthode, celle que nous a léguée Marc Bloch : chercher, toujours et encore, la vérité. Car l’université est l’école de la différence. En cela, il n'y a pas de meilleur antidote à la dictature de la pensée unique.

 

Ainsi, honorée à jamais par le sacrifice des siens, et ainsi sans cesse rappelée à son devoir moral et intellectuel, cette université résistante, notre université, est totalement légitime à organiser aujourd’hui le retour de la statue de Germania !

 

Oui nous devons chercher la vérité, et surtout pas la vengeance. Quand nous réinstallons aujourd’hui sur la façade de ce palais la statue de Germania, avec celle d’Argentina, c’est un message de paix et de fraternité que nous associons, clairement, à notre devoir de mémoire. C’est l’image de notre ambition européenne.

 

Car, oui, ce palais symbolise que c’est à l’université qu’on construit l’Europe

Cette ambition n’est pas récente. Charles de Gaulle, ici même, il y a plus de 50 ans, nous le fixait comme but: en se référant à Goethe et Leibniz, il nous rappelait notre mission, il nous fixait une ambition :

[Projection du film du discours de Charles de Gaulle]

Dès lors que l'on parle d'une tâche rhénane et d'une tâche européenne pour l'Université de Strasbourg, je crois qu'explicitement on peut dire qu'il s'agit pour elle avant tout d'aider à la coopération du monde français et du monde germanique. Coopération dans laquelle, pour ma part, je vois la condition et peut-être la gloire de la civilisation de demain.

Nous sommes fiers que le président François Hollande ait repris à son compte, en janvier, ici même, cette ambition en soutenant avec enthousiasme notre projet de campus européen.

 

Ce n’est donc peut-être pas par hasard non plus que la première réunion du Conseil de l’Europe se soit tenue ici même en 1949. Nous avons donc tenu à associer le Conseil de l’Europe à cette cérémonie, et je remercie Madame Gabriella Battaini, secrétaire générale adjointe, d’avoir accepté de nous honorer de sa présence et de s’adresser à vous dans un instant.

C’est donc bien pour être fidèles à notre histoire, pour être à la hauteur des ambitions européennes que deux présidents de la République nous ont rappelées dans cet Aula, qu’aujourd’hui nous sommes fiers d’inaugurer à nouveau sur la façade du palais U les statues de Germania et Argentina. Elles symbolisent le retour vers une histoire partagée, elles marquent la force d’une ambition commune aujourd’hui symbolisée par la présence à me côtés, sur cette estrade, du Recteur Hans-Jochen Schiewer, de l’université de Fribourg, et du professeur Alexander Wanner, vice-président du KIT, nos deux plus proches voisines, avec qui nous avons l’ambition de construire demain un véritable campus européen.

Lieber Hans-Jochen, geehrter Professor Wanner. Germania und Argentina symbolisieren die Rückkehr zu einer geteilten Geschichte, sie verkörpern in unserer gemeinsamen Bewältigung der Vergangenheit, unseren gemeinsamen Willen einen european Campus ins Leben zu rufen, für eine gemeinsame Zukunft. Seid herzlich gegrüsst ! Ihre Anwesenheit hier ist für uns ein verheissungsvolles Zeichen!

 

Je voudrais remercier aussi très sincèrement la société Sanofi, entreprise dont les racines sont profondément franco-allemandes, qui par son action exemplaire de mécénat, a permis le retour de ces statues. J‘accueille avec beaucoup de reconnaissance Philippe Monteyne, Vice-président R&D Sanofi France, qui s’adressera à vous dans un instant, et j’en profite aussi pour remercier aussi pour son soutien le PDG M. Viebacher

Une autre société mérite nos remerciements, c’est Aquatic Show et son président Dominique Formhals, qui nous offre l’illumination du Palais que vous allez pouvoir admirer tout à l’heure

Ces deux soutiens portent aussi un double symbole. Le premier, c’est l’attachement de la société civile à notre université, illustrée par ces mécénats désintéressés, comme tous ceux qui aujourd’hui permettent à la fondation de l’université de Strasbourg de soutenir nos ambitions. Le second, c’est que les valeurs de l’université sont partagées bien au-delà du strict cercle académique.

 

Les statues d’Argentina et Germania ne sont pas là pour montrer un affrontement, avec d’un côté une vainqueure, de l’autre une vaincue. Elles montrent deux identités, deux fiertés complémentaires, qui n’ont pour arme que … des livres ! Elles sont ainsi complémentaires de la devise qui figure au fronton de l’université : Litteris et Patriae : devise rédigée non pas en allemand, mais en latin, et qui par là refuse les nationalismes, et magnifie la connaissance et la place essentielle du savoir.

 

Oui, notre histoire, à la fois glorieuse et douloureuse, symbolisée dans ce palais, nous a montré le chemin de l’Europe. Nul besoin de « croire » en l’Europe, car ici nous la pratiquons au quotidien! Ici nous avons l’ambition de construire à la fois :

L’Europe des savoirs

L’Europe de la recherche

L’Europe de l’innovation

C’est aujourd’hui à l’échelle de l’Europe que nous devons cultiver la confiance, l’intelligence, la solidarité, choyer ces valeurs comme autant de graines en germe, et travailler au progrès de notre société toute entière. Plus que jamais je suis convaincu que la France et l’Europe doivent parier sur l’université, cette école de la différence, source de progrès et de compétitivité.

 

Mesdames et messieurs, l’histoire de ce palais nous apporte tous les outils pour forger ensemble notre projet universitaire, et, singulièrement, notre destin européen. Ce palais est un symbole du meilleur de ce que chacun peut apporter, un lieu de croisement des cultures, un lieu de découverte, un lieu de transmission, un lieu de richesses humaines infinies. Un authentique lieu de partages. Un lieu qui nous rappelle qu’il a aussi fallu lutter et mourir pour défendre nos valeurs. Ainsi ce Palais symbolise, tout simplement, un engagement indéfectible pour une Europe des savoirs et des valeurs.

Puisse-t-il ainsi continuer de rappeler à tous la richesse de notre histoire, les fondements de nos missions, et la force de nos engagements.

Je vous remercie.

 

Alain Beretz

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