08/03/19
Pour Michel Deneken, président de l'Université de Strasbourg, la communauté universitaire strasbourgeoise doit prendre la tête du combat contre ce fléau.
« La montée spectaculaire des actes antisémites nous effraye tous. Pour la communauté universitaire strasbourgeoise, il s’agit d’être à la tête du combat contre ce fléau abject. L’Alsace reste historiquement une des régions de France où l’on compte le plus grand nombre de Juifs ; mais c’est aussi la région de France où l’on compte le plus d’actes antisémites, notamment des profanations de cimetières. Le dernier en date, il y a quinze jours, étant celui de Quatzenheim. Il y a quelques jours c’est une école du quartier des Quinze de Strasbourg qui a été maculée de tags antisémites. Comment vanter la dimension humaniste de notre université, et refuser de voir qu’il y a quelque chose de spécifique dans l’antisémitisme qui sévit en Alsace : les croix gammées et les slogans haineux en allemand sont des marqueurs qui doivent nous interroger. Selon le sociologue Michel Wieviorka, l'Alsace constitue un laboratoire original de l'antisémitisme contemporain ainsi que de l'islamophobie. Ne refusons pas un tel diagnostic. Au moment où l’on s’agite autour de l’identité alsacienne, le risque existe bien d’attiser ce mal à jamais injustifiable qu’est l’antisémitisme.
L’université est un lieu de recherche et de confrontation des savoirs. La culture du débat fait partie de son essence même où les savoirs et la recherche s’affranchissent des frontières et des idéologies, quelles qu’elles soient. Faut-il le rappeler : en Alsace on parle aussi le yiddish ! Assumer la dimension humaniste et rhénane de notre université, c’est affirmer en paroles et en actes la dimension cosmopolite, hospitalière, plurilinguistique, européenne que ses nombreux étudiants, enseignants et chercheurs internationaux lui confèrent avec bonheur. On ne construit pas son identité, pas plus qu’on ne la trouve, dans la haine de l’autre. Le retour de la nauséabonde logique du bouc émissaire juif dans notre région nous met en alerte. La couleur jaune est à la mode. Ce fut la couleur de l’étoile qu’on obligea les Juifs de porter durant la guerre. Au nom de toute la communauté universitaire je dis toute ma solidarité, mon amitié et mon soutien aux Juifs d’Alsace et d’ailleurs. Contre tous les négationnismes ou complotismes s’érige, dans l’aula du Palais universitaire, la figure tutélaire de Marc Bloch. Cet intellectuel juif français, sacrifié sur l’autel de l’immonde bête antisémite reste notre boussole. Notre étoile. »
Michel Deneken, président de l’Université de Strasbourg
A Strasbourg, vendredi 8 mars 2019