
l'application ''Vertébrés'', dans les locaux de l'ostéothèque
du Musée zoologique.
Un vertébré se composant en moyenne de 200 ossements et douze d’entre eux étant (pour le moment !) représentés sur l’application du même nom... On imagine assez facilement le travail colossal abattu par Samba Soussoko pour recomposer façon puzzle numérique les squelettes d’homo sapiens, du bœuf, de la grenouille ou du canard, quand il nous confie que la numérisation d’un seul os nécessite une heure de travail…
Le résultat : une mine d’informations pour les étudiants en biologie, en kinésithérapie, médecine, archéologie ou sciences du sport… « On a reçu aussi beaucoup de demandes spontanées de vétérinaires, d’ostéopathes animaliers et… d’artistes, ce que je n’avais pas imaginé ! » sourit le concepteur de l’application, qui concilie pour son plus grand bonheur ses passions pour la science et l’image dans son activité professionnelle (lire encadré).
« Vertébrés » intéresse aussi évidemment les professeurs, en poste et futurs, qui se forment à l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (Inspé). « On a pu le constater lors de la dernière Fête de la science avec notre démo : les enfants, même les plus petits, étaient fascinés ! » Ce n’est donc pas un hasard si le ministère de l’Education nationale fait partie des principaux financeurs de l’outil, ce qui lui permet d’être disponible gratuitement, sur simple inscription.
Voir plus grand
En s’alliant l’expertise de l’illustrateur et spécialiste de la 3D Samba Soussoko, et celle d'Archéologie Alsace, le laboratoire Archimède1, porteur scientifique du projet, s’est doté d’alliés de taille. « Au départ, mon idée était de nous doter d’un atlas d’ostéologie interactif », raconte Rose-Marie Arbogast, archéozoologue rattachée à Archimède et responsable de l’ostéothèque du Musée zoologique de la Ville de Strasbourg, constituée à partir de 2008. Samba Soussoko lui souffle l’idée de voir plus grand.
Pour réaliser le minutieux travail de sélection et de numérisation des os sous toutes les coutures, Samba Soussoko bénéficie de la collaboration avec Rose-Marie Arbogast et son équipe, notamment d’une jeune docteure en Préhistoire. « Mon leitmotiv dans tous mes projets de vulgarisation scientifique ? L’évolution des espèces. » Alors évidemment, concevoir un outil permettant de mettre en lumière les caractéristiques que le canard colvert partage avec ses cousins dinosaures ou de rappeler que la main de baleine (nageoire), semblable à celle de l'homme, signale nos racines communes avec ce mammifère marin, c’est un vrai bonheur ! Car c’est bien ce que permettent les fonctionnalités de « Vertébrés » : on peut sélectionner un os (par exemple un fémur) ou un groupe d’os (les cervicales) et ainsi comparer deux spécimens, les examiner sous tous les angles grâce à la rotation, les mettre à l’échelle, zoomer et dé-zoomer à l’envi, dérouler le texte descriptif en français ou en anglais, en version longue ou courte... Le tout doublé d’une grande fluidité de navigation, grâce aux développeur et graphiste associés à Samba Soussoko.
Intérêt patrimonial
« En renouvelant l’intérêt qu’on leur porte, une telle application permet de valoriser autrement nos collections, de les faire vivre et de les rendre accessibles à des publics variés, sans les endommager », apprécie Rose-Marie Arbogast, soulignant aussi l’importance « de travailler sur des spécimens réels et non pas des archétypes, avec leurs caractéristiques propres, leurs défauts aussi ». Les spécimens présents dans l’application sont en effet presque tous issus des collections du Musée zoologique de Strasbourg (et plus particulièrement de l'ostéothèque), certains de collections privées ou d'autres universités. « A ma connaissance, il n’existe pas d’autre projet plus abouti que le nôtre. » Raison pour laquelle les inscriptions à l’application depuis l’étranger se multiplient… Pas mal, pour une jeune pousse locale2 !
Tel un organisme en croissance, « Vertébrés » ne cesse de se développer : lapin, renard, cochon, mouton, tortue, crocodile… devraient bientôt venir étoffer la ménagerie !
Elsa Collobert
1 Archéologie et histoire ancienne : Méditerrannée-Europe, UMR 7044 Unistra/CNRS
2 Tous les partenaires du projet sont (pour le moment) alsaciens. Parmi les entités associées : la Maison pour la science en Alsace a apporté pour le volet pédagogique et le Museum national d’histoire naturelle (MNHN) pour l'expertise scientifique.