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09/07/15
Vous ne l’aviez peut-être pas remarqué mais les lignes A et B du tramway de Strasbourg sont jalonnées d’œuvres d’art ! La femme marchant vers le ciel place des Halles, la spirale Warbung place de la République, le Bar aux plantes à l’arrêt Vieux Marché aux vins, ou encore l’allée des Sculptures à l’Esplanade : autant d’œuvres d’art qui constituent ce parcours et qui, aujourd’hui, passent inaperçues. Sauf peut-être aux yeux de Claire Roederer, enseignante-chercheuse au laboratoire Humanis, et de Mickäelle Schwarzberg, ancienne étudiante en master 2 Marketing et management.
À l’occasion de la réalisation des premières lignes de tram en 1994, la Communauté urbaine de Strasbourg et la Compagnie des transports de Strasbourg en association avec l’État avaient sollicité de nombreux artistes. L’objectif était de placer l’art au cœur de la ville, de le sortir des musées, de créer une dynamique artistique au cœur d’un ensemble touchant une grande partie de la population, de marier une prouesse technique et esthétique contemporaine.
Claire Roederer et Mickäelle Schwarzberg s’intéressent depuis plusieurs années à la contribution du parcours artistique du tramway de Strasbourg dans l’expérience de consommation des usagers/voyageurs. Elles ont voulu cerner l’impact de ce parcours artistique sur l’expérience des usagers du tramway entre 1994 et 2014. Vingt ans après sa mise en place, comment l’art a-t-il modifié l’expérience de transport urbain ? Comment l’art est-t-il perçu dans ce contexte ? Voici les questions auxquelles les deux scientifiques se sont attelées à travers l’analyse d’un corpus de réactions recueillies entre 1995 et 1998, de journaux de bord d’observations faites par les chercheuses entre 2008 et 2009, d’un focus group réalisé en 2008, d’entretiens individuels semi directifs en 2009 et enfin de questionnaires à des primo-visiteurs en 2013-2014.
Une forte rupture dans les perceptions
Entre 1995 et 1998, les œuvres d’art récemment installées ont suscité toutes sortes de réactions, de questionnements, une forme de surprise, de l’intérêt ou du rejet, mais rarement de l’indifférence. L’intention de la municipalité d’interpeller, de surprendre et de renouveler le regard sur la ville trouve alors écho. « Mais vingt ans après, l’existence même du parcours échappe au regard des usagers. Leur trajet est centré sur ce qui se passe dans la rame », constate Claire Roederer.
Après avoir généré une sorte de dialogue entre les spectateurs et les œuvres, ces dernières sont devenues de simples repères visuels, intégrés au paysage urbain. La plupart des voyageurs, s’ils remarquent parfois une œuvre, ne perçoivent pas la globalité du parcours. Pour Claire Roederer, « bien que le patrimoine artistique soit présent, il est vu sans être regardé. C’est l’absence de médiation, de mise en récit du contexte, qui expliquent cette indifférence ».
La réactivation du regard par la médiation
Et l’expérience faite auprès de jeunes étudiants étrangers, primo-visiteurs à Strasbourg, confirme cette hypothèse. Lors de questionnaires, tous ont dû répondre à la question « selon vous est-ce de l’art ? », en regardant la photo d’une des œuvres. Cette question qui invite à s’interroger sur la nature artistique d’un élément, engager une réflexion, activer des réactions a eu l’effet d’une forme de médiation – même embryonnaire - vers les œuvres.
Toujours selon Claire Roederer et Mickäelle Schwarzberg, c’est le déficit de pilotage du parcours et un changement dans le style de pensée institutionnel qui l’ont fait tomber dans l’oubli. « Depuis les années 1990, la municipalité strasbourgeoise s’est mobilisée pour développer le marché de Noël, manne financière. La préoccupation du brassage social et artistique, s’est évanouie…vingt ans se sont écoulés, le tram est inscrit dans le paysage urbain et les gens s’y sont habitués. » Rien n’est pour autant gravé dans le marbre, il suffirait d’attirer à nouveau l’attention sur eux. « Par exemple, en développant des modes de médiations originaux à l’ère du numérique, qui joueraient à la fois sur l’idée d’être dans une rame tout en contemplant de l’art. » Après avoir célébré les vingt ans du tramway, pourquoi ne pas fêter les 21 ans de son parcours artistique ?
Anne-Isabelle Bischoff